Construire /\ Surrection : Workshop avec Nina Santes | La Briqueterie

Vidéo expérimentale issue d’un atelier de danse animé par Nina Santes pour le DSAA de Vitry, première pièce d’un travail de réflexion sur le thème de l’élévation…

Construire /\ Surrection

Quand La Briqueterie, Centre de Développement Chorégraphique du Val-de-Marne, a proposé au DSAA Alternatives Urbaines de mener un atelier avec la danseuse et chorégraphe Nina Santes, l’idée de cette rencontre nous a évidemment enthousiasmés. L’artiste soulève et développe dans ses créations des questions, des thèmes et des axes de travail qui traversent aussi la formation en design d’espace proposée à Vitry-sur-Seine : la coopération et le vivre ensemble, l’utopie, la fabrication utilisant ce qui est déjà là, la recherche d’autonomie, la sensibilité à des démarches telles que celle de l’architecte Yona Friedman ou de la pensée convivialiste d’Ivan Illich.

La première séance a été celle de la rencontre des étudiants avec Nina et Laura Taubman, cinéaste qui a suivi l’atelier sur les trois journées. Apprendre à se connaître tout en cherchant des points de connexion entre nos disciplines respectives… Ce premier rendez-vous a donné naissance à un prologue filmé qui, rendant compte d’un questionnaire soumis aux étudiants puis d’une série “d’exercices à danser”, interroge la singularité individuelle et la manière dont celle-ci s’exprime ou se disloque dans la masse dessinée par le groupe.

L’acte de CONSTRUIRE nous avait alors intéressés pour son idée d’ “assembler des éléments selon un plan pour exécuter un mécanisme capable de fonctionner selon les prévisions”, et nous nous étions interrogés sur la validité de la construction dès lors qu’un élément perturbateur extérieur venait à modifier les règles édictées à l’avance.

La seconde séance a permis de mettre au jour une thématique de travail affinée : en jouant avec les mots selon le principe de l’anagramme, le terme CONSTRUIRE a révélé celui de SURRECTION.

Surrection : nf. En géologie, la surrection désigne l’élévation en altitude de roches qui constituent alors des montagnes, forment des reliefs.

Action de “surgir”, soulèvement, naissance d’une verticalité, le terme est étymologiquement lié (entre autres) à ceux d’érection, de résurrection, d’insurrection. L’idée de l’élévation, de l’émergence d’une singularité à partir de la masse ou du disparate, nous a semblé étonnamment proche de celle de construire, bien que les deux termes n’aient visiblement aucune racine commune.

Construire et Surrection, construire la surrection, l’image a fait sens alors que quelques jours avant cette seconde séance une série d’attentats secouait Paris et Saint-Denis, plongeant le pays dans la sidération, chacun s’interrogeant sur les ressorts à mobiliser pour se relever d’une telle déflagration. Prendre de la hauteur, faire remonter à la surface ce qui était enfoui, espérer une métamorphose sociale dans une dynamique ascendante et solidaire contre toutes les tentations ségrégatives de bas étage, la résonance était forte.

A l’issue de cette seconde séance, les étudiants ont rassemblé de nombreuses références faisant écho à des processus d’élévation, dans des contextes et directions variés.

Un principe final a été défini pour la troisième et dernière journée : créer des “kits performatifs de surrection”, dispositifs convoquant soit la manipulation (seul ou en groupe) d’objets ou de matériaux, soit la mise en mouvement des corps (accessoirisés ou non), en vue de (re)produire un principe de surrection, d’élévation.

Mêlée organisée dans un paysage d’échafaudages et sur laquelle vient se hisser et évoluer un équipier sorti de la masse ; procession à travers un couloir d’un groupe portant une personne à bout de bras à la manière d’un slam ; varappe collective et lancinante sur les sièges d’un amphithéâtre ; installation d’un réseau d’échelles et d’escabeaux dans une galerie souterraine au plafond très bas… ainsi sont nées différentes manifestations du principe de surrection dans des traductions évoquant des possibilités de raccordement entre les pratiques de la danse et celles de la construction architecturale.

Pour la restitution, le choix a été fait de ne pas sélectionner une seule performance mais de valoriser la multiplicité et de la diversité des propositions, dans une triple forme :

  • Un film-témoin d’une quinzaine de minutes monté par Laura Taubman à partir des images captées lors des trois séances.
  • Un “catalogue de surrections”, petite publication rassemblant sous la forme de descriptifs synthétiques (textes et croquis) l’ensemble des dispositifs performatifs imaginés.
  • Une série de courts textes composés par les étudiants lors d’un atelier d’écriture mené dans le cadre du cours d’humanités modernes. Construits sur le principe du calligramme avec lecture de bas en haut, ces textes figurent une forme ascendante (sur le modèle de la pyramide, de la montagne, du talus…), et s’appuient sur les thématiques suivantes :

La politique (pouvoir, élection, insurrection…) // L’économie (course au profit, croissance, mondialisation…) // La spiritualité (élévation de l’âme, résurrection…) // La condition sociale (ascension sociale…) // Les pratiques plastiques (poésie de la matière, émergence, création…) // L’architecture, la construction (édification, structures, densité…) // L’animal (circulations verticales dans la terre et dans les airs…) // Le végétal (croissance, des racines à la tige…) // La géographie des mers et des océans / la géologie (mouvements ascendants…) // L’astronomie (conquête de l’espace…) // L’éducation (développement, apprentissages, socle commun et spécialisation…) // Le sentiment amoureux (élan, idéalisation, enchantement…) // Les pratiques sportives (l’équipe et le champion…)

L’équipe du DSAA alternatives urbaines de Vitry tient à remercier très chaleureusement Nina Santes et Laura Taubman pour leur engagement, leur enthousiasme et leur générosité, ainsi que la Briqueterie et particulièrement Laurence Moreau pour avoir proposé, suivi et soutenu ce projet.

 

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